Esclavage moderne, exploitation éhontée, terres agricoles ravagées, infrastructures locales détruites, montagnes défigurées, pollution des sols et des fleuves, inégalités sociales exacerbées : tel est le sombre tableau dépeint par les populations locales maliennes victimes de l’orpaillage illégal pratiqué par les industries chinoises [1]. Un exemple parmi tant d’autres des opérations de prédation des ressources stratégiques du continent africain, menées par un Etat prédateur, condamné à soutenir une croissance économique effrénée.
L’or malien, aurait dû être une bénédiction ! Ce trésor se révèle cependant être une malédiction pour les populations… Alors que l’État, comme envouté, laisse ses richesses s’envoler, l’exploitation en toute illégalité des ressources africaines par la Chine menace gravement l’environnement et les populations locales. Du Ghana au Mali, en passant par la République Démocratique du Congo et le Zimbabwe, cette ruée vers les ressources stratégiques, facilitée par des complicités locales et une régulation inefficace, s’inscrit dans une stratégie économique et géopolitique plus large et mûrement planifiée par de la Chine.
Le plan "Made in China 2025"
La croissance rapide de la Chine a entraîné une demande insatiable de ressources stratégiques, notamment de minerais rares, essentiels pour soutenir son économie et ses technologies de pointe. Cette quête a conduit la Chine à se positionner au cœur de la géopolitique des ressources, en particulier pour des métaux tels que le cuivre, le cobalt, le lithium, éléments clés dans le panorama énergétique et technologique émergent. Pékin cherche à sécuriser ses réserves de matières premières pour satisfaire sa croissance économique et réduire sa dépendance vis-à-vis des marchés occidentaux, dans un contexte de tensions croissantes avec les États-Unis. Cet objectif fait partie du plan « Made in China 2025 », visant à faire de la Chine une superpuissance technologique d’ici 2049, centenaire de la République populaire de Chine.
Pourtant, cet aspect de la présence chinoise est en contradiction directe avec le souhait du pays de se positionner comme leader de la transition écologique. Sur le plan social, l’implantation de la Chine sur le continent pose un réel problème : plusieurs cas de violations du code du travail, avec des conditions parfois jugées inhumaines, ont été dénoncés dans les mines de cuivre en Zambie[], ou de cobalt en RDC[].
Des forêts locales rasées
Dans la région malienne de Kayes, mais également dans les régions de Sikasso, Koulikoro[], des exploitants chinois opèrent illégalement sans documents officiels ni autorisation pour le dragage excessif du fleuve Falémé. Les produits chimiques toxiques utilisés ont pollué le fleuve, le rendant inutilisable pour l’eau potable et l’irrigation des cultures. Malgré les protestations des populations locales, les autorités restent inactives, et ceux qui osent résister sont souvent agressés par les exploitants étrangers et les forces de l’ordre [5] [].
“Les activités d’orpaillage illégal menées par des sociétés chinoises, avec la complicité de certaines autorités locales, ont transformé notre communauté en un désastre », rapportait une source locale à Newafrique.net en mars dernier.[]
Au Ghana, surnommé « la Côte de l’Or », des villages entiers sont envahis par des machines d’extraction apportées par des mineurs chinois. Les forêts locales sont rasées, les cours d’eau et les sols pollués par le mercure []. Les jeunes, contraints d’abandonner l’agriculture, travaillent dans des mines dans des conditions souvent dangereuses [].
Dans la région d’Ashanti au Ghana, des activités d’exploitation minière illégales à grande échelle ont été découvertes, impliquant des dizaines de sites opérés par des ressortissants chinois utilisant de faux permis. Cette situation a été confirmée par plusieurs rapports et les autorités locales. Par exemple, une visite des zones affectées dans les districts d’Amansie a révélé des activités minières illégales répandues, les mineurs exploitant les ressources naturelles de manière illicite malgré les efforts pour endiguer ce fléau.[]
Si quelqu’un meurt, il peut être remplacé le lendemain…
Les opérations illégales ne se limitent pas à l’extraction non autorisée, mais causent également des dégâts environnementaux considérables. Par exemple, dans le district de Bosome Freho, au Ghana, l’exploitation minière illégale a conduit à la destruction de parties de la réserve forestière de la chaîne de Bosomtwe, les autorités locales peinant à contrôler la situation [] .
Témoignage d’un un opérateur de grue à flèche à la mine d’exploitation souterraine de cuivre de la Non-Ferrous China Africa (NFCA) en Zambie : “Nous travaillons dans de très mauvaises conditions, d’horribles conditions. Après une explosion, il faut une heure pour que la poussière, les gaz et les vapeurs s’éloignent de la zone. On est censés attendre avant d’y retourner. Mais les Chinois, ils disent, ‘Allez, allez, foncez !’ Et si vous ne le faites pas, ils mettront un terme à votre contrat. Alors on pénètre dans une zone pleine de vapeurs et de poussières… Le médecin a dit que ces gaz étaient la cause de mes ulcères et de mes douleurs à la poitrine”. []
« Ils ne pensent qu’à la production, pas à la sécurité. Si quelqu’un meurt, il peut être remplacé le lendemain. Et si vous signalez le problème, vous perdrez votre emploi. »
Des complicités diplomatiques
Les entrepreneurs chinois, principaux acteurs de cette exploitation, opèrent souvent illégalement grâce à la complicité des autorités locales et des forces de l’ordre []. Cette collusion facilite l’obtention de faux permis miniers et protège les activités illicites. Ce soutien va bien au-delà de simples complicités locales. Les entreprises chinoises bénéficient souvent du soutien diplomatique et financier de l’État chinois, leur permettant d’opérer avec une impunité flagrante []. Il se manifeste par des investissements massifs dans les infrastructures et les secteurs extractifs en Afrique, ainsi que par des pressions diplomatiques pour protéger les intérêts du PCC lorsque des abus sont dénoncés [].
Civiliser, pour mieux piller !
L’exploitation massive et illégale des ressources africaines par les entreprises chinoises présente des similitudes troublantes avec la période coloniale. À cette époque, les puissances européennes justifiaient leur présence en Afrique par une prétendue mission civilisatrice, tout en pillant les ressources du continent et en exploitant sa population. Aujourd’hui, les entreprises chinoises, souvent avec le soutien de Pékin, investissent en Afrique sous le prétexte de développement et de partenariat, mais leurs pratiques montrent une exploitation brutale des ressources et des travailleurs locaux.
En République Démocratique du Congo, des entreprises minières chinoises opèrent illégalement, exploitant des minerais tels que le cobalt et le coltan sans permis []. Cette situation entraîne des conflits avec les communautés locales et des violences, exacerbant l’instabilité de la région. En 2021, six entreprises chinoises ont été suspendues dans la province du Sud-Kivu pour exploitation illégale de minerais, notamment BM Global Business, Congo Blueant Mineral, Oriental Resources Congo, Yellow Water Resources, New Oriental Mineral et Group Cristal Service []. Les pratiques de ces entreprises, qui ne respectent ni les droits des travailleurs ni les réglementations environnementales, rappellent la brutalité de l’exploitation coloniale.
Les Africains doivent se lever contre cette forme d’emprise vieille comme le monde, mais menée aujourd’hui par de nouveaux acteurs, se voulant plus discrets, mais d’autant plus dangereux. Il est temps de dire non à l’exploitation sauvage de nos terres par aucune puissance étrangère. Et de réclamer notre droit à une gestion souveraine et durable de nos ressources. La lutte pour l’indépendance économique de l’Afrique est plus que jamais d’actualité, et nous devons tous y prendre part.